Interview

La coopération pour le déploiement du DUI Interopérable

Au cours de l’année, le Collectif SI Social et Médico-Social Hauts-de-France a rencontré l’Association Béthanie.

Cet acteur du territoire a répondu à l’Appel à Projet ESMS Numérique à deux reprises, dans le cadre de projets de mise en conformité d’une solution logicielle DUI interopérable. Le Collectif SI a interviewé l’Association Béthanie sur ce dispositif et sur sa mise en place au sein de leurs différentes structures.

Nous remercions Madame KOSTEK, Responsable qualité, pour son partage et la richesse des échanges. Découvrez sans attendre son retour d’expérience !

Pouvez-vous vous présenter ?

Mme KOSTEK : Sabrina KOSTEK, Responsable qualité – projets, en charge d’accompagner les établissements de l’association à l’amélioration continue de la qualité de prise en charge des usagers sur le versant réglementaire, à l’accompagnement de l’évaluation externe et au déploiement de tous les projets transversaux aux structures et projets de développement de l’association. 

J’ai travaillé 10 ans dans le champ sanitaire sur le développement des dossiers de soins infirmiers informatisés et les prescriptions informatiques médicales, ainsi que 10 ans dans le champ du handicap, avec le pilotage du déploiement du DUI dans les ESMS pluriprofessionnel. 

D’où une certaine prédisposition au développement du numérique sur les métiers du médico-social. 

Pouvez-vous présenter votre Organisme gestionnaire ainsi que les établissements associés ? 

Mme KOSTEK : L’Association Béthanie est une association Loi 1901, privé non lucratif, qui a maintenant 40 ans d’existence. Implantée dans le département du Nord, l’association gère plusieurs structures des Flandres jusqu’au Cambrésis en passant par la métropole Lilloise. 

Nous accompagnons toutes les personnes en situation de perte d’autonomie liée à l’âge, au handicap, ou à la maladie. 

À ce jour, l’association est composée de deux EHPAD, trois SSIAD, un SPASAD, trois CSI, un ESAD spécialisé dans la prise en charge de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées, ainsi qu’un ESPRAD. L’ESPRAD est dédié aux personnes âgées de plus de 60 ans présentant des risques avérés de chutes, ainsi qu’aux jeunes adultes atteints de la maladie de Parkinson, de sclérose en plaques ou de maladies 

similaires, qui souhaitent rester le plus longtemps possible dans leur environnement familier. 

L’association gère également un habitat partagé inclusif et un établissement de répit pour les aidants, offrant ainsi une gamme complète de services et de soins adaptés aux besoins variés. 

Pouvez-vous nous présenter votre projet dans le cadre de l’appel à projet ESMS Numérique ? 

Mme KOSTEK : En ce qui concerne l’embarquement de nos SSIAD, 13 organismes gestionnaires se sont rapprochés de nous, afin de constituer une grappe, en vue de répondre à l’appel à projet ESMS Numérique, soit 16 SSIAD répartis sur un large territoire, du Nord au Pas-de-Calais. Nous avons déposé le dossier en décembre 2021 en tant que porteur de projet, avec la signature de la convention avec l’ARS en janvier 2022.  Nous nous sommes engagés principalement pour des montées de version et l’installation des modules MSS et DMP. 

Le projet s’est déroulé en plusieurs étapes :  

  • De janvier à mai 2022, nous avons travaillé sur la convention de grappe et la recherche de l’AMOA.  
  • De juin 2022 à novembre 2023, nous avons contractualisé avec l’éditeur DICSIT pour la solution logicielle DomiLink. Durant cette période, de nombreux reports et compléments de convention avec l’ARS ont eu lieu, notamment pour ajuster le calendrier de déploiement en accord avec la grappe et l’éditeur.  
  • En 2023, le déploiement de la solution logicielle s’est étalé sur l’année, avec le recueil des indicateurs en décembre 2023.  
  • De mars à avril 2024, nous avons transmis les éléments de preuves et financiers. Le projet s’est achevé en juin 2024. 

 

Pour l’embarquement des EHPAD de l’association, ceux-ci ont rejoint une grappe en décembre 2022. Il s’agit d’une grappe mixte de 17 établissements, à la fois publics et privés non lucratifs, visant principalement une montée de version. Nous recherchions surtout du financement pour du matériel et le déploiement des usages. Avec l’ensemble de la grappe, nous nous sommes tournés vers la solution logicielle NETSoins de l’éditeur Teranga Software. 

Ces projets nous ont permis de moderniser nos structures et de renforcer notre capacité à offrir des soins de qualité grâce à des outils numériques performants. 

Pour quelles raisons avez-vous souhaité vous engager dans ce projet ? Quels sont, selon-vous, les gains à l’utilisation d’un DUI dans votre secteur ?

Mme KOSTEK : Nous avons choisi de nous engager dans ce projet afin de permettre à nos établissements de bénéficier de la version homologuée SEGUR et d’entamer le virage du numérique en santé, conformément au calendrier national. Également, le développement de « Mon Espace Santé » et du DMP pour les usagers, nous pousse à favoriser le partage d’informations entre professionnels et avec les usagers. 

Notre engagement vise à assurer la continuité du suivi du parcours de l’usager en évitant la perte d’informations. Nous souhaitons travailler avec des outils sécurisés, notamment la messagerie sécurisée pour les partenaires médicaux et paramédicaux tels que les hôpitaux, les laboratoires, les pharmacies et les EHPAD, pour la gestion des prescriptions, courriers et dossiers de liaison. Par ailleurs, nous voulons développer la traçabilité des actions réalisées par les professionnels dans l’accompagnement des usagers, ce qui nous permettrait d’améliorer la coordination des soins au sein de la même équipe et de faciliter l’accès aux informations pour une meilleure réactivité, notamment pour les IDEC et les AS sur le terrain. 

De plus, le financement du matériel fixe et mobile pour tous les soignants ainsi que la mutualisation des coûts de formation constituent des aspects importants de notre démarche. Étant donné que nous n’avons pas de responsable informatique ou de DSI sur le terrain, la mutualisation des aides d’accompagnement est cruciale, rendant l’enveloppe AMOA précieuse. Le passage au numérique nous permet également de réduire les archives papier, apportant ainsi un gain significatif en termes de gestion documentaire. 

À terme, nos objectifs incluent l’anticipation de l’évolution des obligations réglementaires et la sécurisation des données. Nous cherchons également à répondre à la réforme du secteur en améliorant la coordination des acteurs et des outils, notamment pour les SSIAD et les SAAD. 

Cependant, nous devons rester vigilants face à plusieurs défis. Le besoin de personnes ressources, comme un DSI ou un informaticien, demeure sans financement dédié. Le développement de la cybersécurité nécessite des procédures spécifiques et une gestion rigoureuse des serveurs. Par ailleurs, il est crucial de développer les compétences en RGPD et identitovigilance, ainsi que de stimuler l’appétence pour le numérique chez les professionnels. Nous devons également faire face à des avancées à double niveau, certains partenaires libéraux n’étant pas toujours prêts, ce qui peut ralentir l’adoption de nouvelles pratiques. 

Il existe aussi un risque de saturation des DMP avec des documents non mis à jour, et des problèmes de synchronisation avec l’éditeur sur le calendrier de développement. La nécessité de choisir les opérateurs de messagerie et de finaliser les conventions, ainsi que les surcoûts des connecteurs non financés, représentent d’autres défis. De plus, une politique de formation continue pour les soignants et autres personnels est essentielle. 

Les démarches administratives liées aux financements européens et aux attentes de l’ARS ajoutent une charge supplémentaire. L’entrée en grappe et les financements sont liés à l’atteinte d’indicateurs parfois difficiles à atteindre. L’accompagnement indispensable de l’AMOA, du Collectif SI Social et Médico-Social, du GRADeS et de l’ARS est crucial pour maintenir la dynamique sur le long terme. Il est également important de prendre conscience du temps de déploiement et de ne pas sous-estimer le rôle du porteur, qui agit comme un véritable médiateur entre l’AMOA et le terrain. 

En conclusion, nous saluons les efforts des structures impliquées, car le temps consacré à ce projet est considérable malgré les défis quotidiens, les réformes et les difficultés. Nous avons su nous adapter et changer nos pratiques plus rapidement que prévu, comparé au secteur sanitaire qui travaille sur ces sujets depuis plusieurs années mais n’est pas toujours au point. 

Vous avez répondu à cet appel à projet ESMS Numérique par l’intermédiaire d’une grappe multi-organisme gestionnaire. Pourriez-vous nous dire comment vous avez réussi à trouver des partenaires ?

Mme KOSTEK : Pour la grappe SSIAD, nous avons procédé en échangeant avec les membres de la FEHAP qui utilisaient le même logiciel. Nous avons également approché certaines structures que nous connaissions déjà. De plus, notre éditeur, DICSIT, nous a fourni la liste des SSIAD utilisateurs de cette solution et nous a aidés à entrer en contact avec eux. Ce processus a abouti à une première réunion de sollicitation. 

Pour ce qui est de la grappe EHPAD, nous avons sollicité l’éditeur Teranga Software pour obtenir la liste des utilisateurs de leur logiciel NETSoins. La FEHAP et le Collectif SI Social et Médico-Social nous ont également mis en relation avec des établissements intéressés. Grâce à ces connexions et collaborations, nous avons pu constituer efficacement notre grappe multi-organisme gestionnaire. 

Voyez-vous un intérêt à coopérer et mutualiser sur ce type de projet ? 

Mme KOSTEK : Absolument. Comme le dit le proverbe, « Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin ». Ce type de coopération permet de ne pas négliger le temps nécessaire au développement et à la maturation de l’utilisation des nouveaux outils. 

La force d’un collectif est particulièrement bénéfique pour le développement de la solution face à l’éditeur, notamment grâce à l’AMOA. Les subtilités réglementaires et la relation avec l’éditeur ont ainsi pu être mieux gérées. En période de difficulté, la solidarité et le soutien mutuel jouent un rôle crucial, renforçant le lien entre les membres de la grappe. 

La mutualisation des temps de formation des professionnels est également un avantage majeur. Les échanges d’informations et de pratiques, ainsi que l’entraide concernant l’identitovigilance, le choix des MSS et des opérateurs, la réglementation et l’utilisation de la carte CPS, sont extrêmement bénéfiques. 

De plus, l’aide technique de l’AMOA constitue un réel atout, surtout en l’absence de ressources humaines spécialisées dans nos structures. Cette aide est précieuse pour comprendre la réglementation et les enjeux du projet. En résumé, la coopération et la mutualisation sur ce type de projet apportent de nombreux avantages qui dépassent largement les capacités individuelles.

 

Vous avez bénéficié d’un appui à la constitution de votre dossier par les équipes du Collectif SI Social et Médico-Social HDF : Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Mme KOSTEK : Pour la partie concernant la fédération des structures autour de l’appel à projet et la rédaction du dossier, l’appui du Collectif SI Sociale et Médico-Social a été extrêmement bénéfique. Les établissements, initialement étrangers les uns aux autres, devaient apprendre à travailler ensemble et au même rythme. Être épaulés pour la rédaction du dossier a été un véritable atout, car cela représentait une lourdeur administrative importante nécessitant un travail de coordination des acteurs. 

Pendant la phase d’appel à projet, le Collectif SI nous a aidés à structurer notre approche en mettant à disposition des outils et des trames. Ils ont également pris en charge la compilation des informations et des éléments nécessaires, tout en fédérant un groupe d’établissements qui ne se connaissaient pas auparavant. Leur aide dans le diagnostic de maturité de notre système d’information nous a permis de nous poser les bonnes questions. Cela a posé les bases d’un accompagnement et d’une réflexion approfondis. 

Le plus difficile a été de définir le porteur du projet, mais une fois cela résolu, l’AMOA a pris le relais. Des rendez-vous réguliers avec l’ARS et le GRADeS ont ensuite été organisés pour le déploiement et l’analyse des différentes difficultés rencontrées.  

En résumé, l’appui du Collectif SI a été crucial pour nous aider à surmonter les défis de la constitution de notre dossier, à fédérer les établissements et à structurer notre projet de manière efficace et cohérente. 

Nous remercions Madame KOSTEK pour son témoignage sur le déploiement du DUI interopérable au sein de l’Association Béthanie.

Le Collectif SI Social et Médico-Social souhaite à cet acteur une bonne poursuite dans leur projet !